Revivez le mois de mai 2020 à Montferrier !

1er mai : fête du muguet.

Sur le plateau du repas de midi, chacun d’entre nous a trouvé une représentation composée de brins de muguet et d’une carte souhaitant : « un joyeux premier mai. » Ces brins de muguet nommons les : délicatesse, gentillesse, tendresse. Remercions l’équipe de la vie sociale.

6 mai : décès du Père Jean Chenevier.

Notre « Ancien » nous a devancés en paradis. Jean, dans sa quatre-vingt-dix-huitième année était le doyen de la province.
      Notre « Vieux » s’en est allé vers son  Seigneur. Jean était le plus ancien des résidents de cette maison. Il est arrivé à Monferrier le 30 juin 1982. (Soit 38 années de présence.)
      Le 5 mai, bien fatigué, Jean est parti pour l’hôpital. Depuis un bon moment, nous le voyions décliner et son décès ne nous a pas surpris.
      Avec son départ disparait pour nous un confrère profondément bon, accueillant, souriant, serviable, affable…On ne l’a jamais entendu dire du mal des autres. Ne pouvant retourner au Bénin, Jean a été nommé ici pour tenir l’accueil. Pendant 30 ans il a rempli, avec assiduité cette fonction. En 2012, lorsque Jean a quitté ce service le personnel lui a offert un poste de télévision, signe de l’estime qu’il lui portait.

7 mai : enterrement de Jean.

Contraints par Coronavirus, nous n’étions qu’une douzaine à la chapelle pour entourer Jean. Le Père Daniel Cardot a présidé la célébration et prononcé l’homélie. (Extraits de l’homélie.)

      « Le Père Chenevier avait écrit une sorte de testament spirituel. Outre le fait qu’il ne voulait avoir que la croix sur son cercueil, il a rappelé quelle était la devise qu’il avait choisie au moment de son ordination et qu’il a essayé de suivre : « Don de soi par amour, sacrifice et joie. »…Dans les témoignages reçus on nous parle de sa simplicité, de sa douceur, de son sourire, de sa générosité, de sa grande sensibilité et de son empathie. Il a été un messager joyeux de la Bonne Nouvelle…L’évêque de Natitingou a écrit que pour les chrétiens de son diocèse, il était un de leurs patriarches, un de leurs premiers Pères dans la foi.
      Les lectures bibliques ont été choisies en fonction de cet engagement du Père Jean. Dans la lettre aux Philippiens : le Fils de Dieu s’est abaissé dans une condition d’homme vécue, non comme un abaissement, mais comme une attitude d’amour. En saint Mathieu, ces paroles de Jésus : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le fardeau, je vous soulagerai. Je suis doux et humble de cœur, mon joug est aisé à porter et mon fardeau léger. » Ces deux textes correspondent bien à la foi en Jésus Fils de Dieu, à l’espérance et à l’amour qui en découlent auxquels a adhéré et qu’a vécu Jean Chenevier…
      En 1974, il entend dire par son évêque de Natitingou qu’il va être nommé pour un service SMA. Il l’annonce à sa paroisse pour préparer les gens à son départ. 21 lettres arrivent au Conseil Provincial, d’étudiants, de paysans, de petites gens qu’il a aidés à sortir de leurs difficultés. Sa façon de vivre sa foi en l’amour de Dieu, était des invitations à se battre dans les épreuves et les injustices. C’est parce qu’il a dénoncé des injustices vécues dans les champs collectifs qu’il a été expulsé par le régime marxiste.
      Son esprit de service et son don aux autres, il l’a vécu aussi à Montferrier où il a tenu l’accueil pendant 30 ans. Une personne qui est ici à notre service a écrit : « Le Père Chenevier est pour nous associé à l’Accueil où il a rendu tant de services. La « paie » mensuelle aux confrères,  les appels téléphoniques qu’il recevait avec beaucoup de professionnalisme et dont il transmettait les messages avec beaucoup de rigueur. Il partait aussi acheter les petites friandises et rendait bien d’autres services…. » Tout cela vécu avec « une constante bonhommie. »
      Le Père Jean a certainement eu ses difficultés…. Mais il montrait dans ses réactions que si l’on se met à l’école de Jésus, on vit en paix. Il inspirait la confiance et rassurait. Nous sommes tellement conscients de nos limites qu’il est bon parfois de nous mettre face aux fruits évangéliques qu’ont produit des vies humaines marquées par la foi en Jésus. L’évangile est d’abord la référence première pour apprendre à vivre.

      Après la cérémonie, Jean a été conduit dans notre petit cimetière. Que le Seigneur accueille Jean auprès de lui.

8 mai : en souvenir de la 2ème guerre mondiale.

      Sur le plateau de repas de midi, nous avons trouvé une très belle image représentant un cimetière militaire et en toile de fond les couleurs de la France avec ce petit souhait : «  Bon 8 mai. » Merci pour ce rappel de notre histoire.

11 mai : Coronavirus desserre son étreinte.

A midi nous voici en salle à manger, heureux de retrouver nos compagnons de table après six semaines de confinement en chambre.
      Madame la Directrice, Elise Portales, nous souhaite un bon retour  en salle à manger et nous donne ses consignes. Désormais, nous serons trois par table pour respecter entre nous les distances exigées. Le service de table sera le plus possible personnalisé : pain, sucre, sauce  désert…. seront déposés près de l’assiette de chacun pour éviter de mettre les mains sur ce qui nous était commun : corbeille à pain, boîte à sucre, ménagère… Les sorties à l’extérieur sont fortement déconseillées. (Elles seront interdites le lendemain.) Enfin, Madame la Directrice nous demande de bien vouloir respecter les gestes-barrière : se laver souvent les mains, ne pas se toucher, ne pas se serrer la main…..
     Le Père Daniel Cardot remercie le personnel pour le surcroît de travail qu’il a  accompli avec générosité, gentillesse pour nous servir en chambre.
      Pour le reste, visites, rassemblements rien de changé. Nous ne pouvons pas encore prier, célébrer ensemble dans notre chapelle. Par contre quelques activités collectives reprendront progressivement, si possible en plein air.

Reprise des activités.

le 15 mai. Viviane reprend les leçons de gymnastique. Nous ne sommes plus que trois par séance avec le port d’une visière obligatoire.
Le 18 mai : nous pouvons reprendre l’activité dite du « remue-méninges. »
le 19 mai : Madame la Directrice nous annonce que désormais nous pouvons nous rassembler à la chapelle le dimanche, en respectant la distance voulue entre chaque personne et en ayant soin de prendre un masque. Elle nous rappelle, ave gentillesse, de ne pas nous relâcher et de bien vouloir respecter les gestes-barrière qui nous sont imposés.
      Le Père Daniel Cardot nous annonce que deux messes seront proposées, le dimanche, à 9h30 et 11 heures, pour que nous puissions nous conformer aux obligations de distance qui nous sont imposées par Coronavirus.

26-28 mai : Coupe Coronavirus.

     Depuis que le confinement a été décrété, la coiffeuse ne venait plus, tous les quinze jours, proposer ses services. Pendant ce temps, les cheveux se sont allongés au point de former de belles chevelures dites : coupe Coronavirus.  Par bonheur, parmi les Aides-Soignantes de la maison, Christelle, (une ancienne coiffeuse,) a accepté de mettre ses talents au service de la communauté. Nous étions nombreux à vouloir passer chez le coiffeur.  Deux longues journées n’ont pas été de trop pour que la coiffeuse vienne à bout du travail.      Merci Christelle

28 décès du Père Gabriel Mouesca.

   Le matin, au petit déjeuner, le Père Daniel Cardot a annoncé, à la communauté, le départ du Père Gabriel Mouesca pour la maison du Père.
Le Père Gabriel Mouesca est arrivé ici le 12 avril 1995 pour aider le supérieur. Pendant des années, Gabi, comme on l’appelait familièrement, a conduit les confrères  pour leur rendez-vous dans les hôpitaux, chez les spécialistes…
Avec son départ, nous perdons un confrère discret, réservé et attentif aux autres. Il occupait ses loisirs, en partie, dans notre petit atelier de reliure. Remarquait-il un missel, l’office des heures d’un confrère… dont la couverture était mal en point, il lui disait aimablement : « Donne-moi ça, je vais te le réparer. » Le livre revenait avec une couverture toute neuve, fruit d’un travail bien fait.
Avec le départ de Gabi, le rugby perd un de ses grands supporters.
Depuis des mois Gabi déclinait. Trois fois par semaine il se rendait à l’hôpital pour une dialyse. Il ne se plaignait jamais. Il est décédé paisiblement dans la maison.                            
Que Dieu L’accueille en ses demeures.

29 mai, enterrement de Gabriel Mouesca.

      La célébration était présidée par le Père Roustan. Coronavirus oblige, à cause des distances à tenir entre chaque personne, seuls les anciens de Côte d’Ivoire étaient invités à participer à la célébration. Deux neveux et une nièce du Père Mouesca ont réussi à nous rejoindre. Au début de la cérémonie, un neveu a parlé amplement de l’attachement de son  oncle à la culture et à la langue basques.

      Pour son homélie, le Père Pierre Roustan s’est appuyé sur la première lecture : 1 Jn. 3,14-16.20   (extraits de l’homélie.)
« Jésus a donné sa vie pour nous, nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères. »   C’est bien le message qui me parait le mieux correspondre à ce que fut la vie de notre frère. La première image de lui que je garde en mémoire, lorsqu’en 1964 j’arrivais au séminaire de Bingerville en Côte d’Ivoire, est celle d’un Père tout donné au service des séminaristes, réparant une chaussure, arrangeant un livre, replaçant un bouton, réparant un vêtement : son bureau, un vrai chantier !  Cet amour des petits il l’a toujours eu, avec le souci du détail, avec une astuce bien à lui. Un exemple : dans sa paroisse, en Afrique, pour ouvrir le livret  de chrétienté à la bonne page : celle du denier du culte et de la communion pascale, le bas des pages précédentes avait été coupé. Je pense ne pas me tromper, je vois encore sa marque dans le livret de chants pour l’adoration du Saint Sacrement.
      En poste dans les missions d’Orbaf, Toupah et Bécédi pas très éloignées de la maison régionale de Dabou, il aimait se retrouver avec les confrères à la maison régionale. C’est si important une vie de communauté lorsqu’on est seul.
      A Azaguié, sa dernière mission où il séjourna 10 ans, un évènement  va bouleverser sa vie et c’est le paradoxe d’une vie toute donnée aux autres. Un soir, un peu fatigué par toutes les demandes, il refuse de donner de l’argent à un quémandeur de passage. « Il m’a jeté un méchant regard, en me disant : je te reverrai. » nous a-t-il raconté. Gabriel a pris peur et est venu se réfugier à la maison régionale d’Abobodoumé. Il était si déprimé qu’il n’osait même plus sortir de sa chambre… On allait le chercher pour les repas. Au bout de 15 jours trois semaines, on a pensé que l’air du pays basque et de la famille lui redonnerait force et vigueur. Ce fut hélas un retour définitif en 1995.
      Il est alors nommé à Montferrier pour aider le supérieur, pour accompagner les confrères dans les différents rendez-vous médicaux : toujours prêt à rendre service aux confrères avec sa voiture.
      Quand ces dernières années, je l’ai retrouvé à Montferrier, il était aussi inventif, toujours aussi habile à réparer  les livres,  dans  le local de la reliure, toujours aussi habile à redonner vie aux livres qu’on lui présentait.
      Un autre trait de notre frère c’est l’amour de la nature ; un vrai disciple de Saint François et de notre Pape de Laudato si. Tous les jours, à la fin des repas, il restait de longs moments en contemplation devant les poissons de l’aquarium. Il regrettait que la haie, devant sa chambre, lui coupe la vue sur la nature.
      Devant la maladie qui le frappait, dans les derniers mois une ambulance venait le chercher trois fois par semaine pour une séance de dialyse, jamais il ne s’est plaint. Il est resté conscient jusqu’à quelques jours de son départ.
      Gardons le souvenir de ce frère, de son esprit de service, de sa bonté. Comme lui répondons à l’invitation de l’apôtre Jean : « N’aimons pas en paroles, ni par de discours, mais par des actes et en vérité. »
Après la célébration, nous avons accompagné notre confrère dans notre petit cimetière. Gabi repose en paix.