Bénin: Kopargo, la région des Taneka (les hommes fiers, valeureux)

dscf0962Au Foyer Ste Thérèse
Michel Iriquin m’a conduit à Kopargo qui ne se trouve qu’à quelques encablures de Kolokondé, d’ailleurs les paroisses se touchent ; pourtant nous entrons dans un autre monde, celui des Taneka. Michel Loiret a insisté pour que je passe quelques jours dans cette région qu’il connaît bien. Il a vécu de longues années ici et j’ai entendu le directeur du collège me dire qu’il maîtrisait la langue mieux que certains habitants.

Je loge dans le foyer des garçons, ambiance animée et sonore rythmée par le couinement de la poulie du puits au centre de la concession. Foyer créé par Michel Loiret, il abrite d’un côté les garçons et de l’autre les filles. Ce sont deux ensembles séparées ou plus exactement reliées par la maison du couple qui anime bénévolement ce foyer. Gildas et Anysie Legonou sont professeurs au collège et, comme engagement missionnaire, ils ont accepté d’être responsables de ce foyer de jeunes collégiens et collégiennes. Ils sont membres de la Fraternité Laïque Missionnaire, associée aux Missions Africaines. Ce foyer offre l’hébergement pour des élèves de villages voisins. Ils préparent eux-mêmes leur nourriture et se chargent de l’entretien de la concession. Le foyer est formée d’unités chambre et espaces cuisine qui entourent une cour et son puits.

Au palais du roi
J’ai eu l’occasion d’être reçu par le roi de Kpabegou village voisin de Kopargo. Même si son palais n’a rien à voir avec celui de Versailles, l’approcher est toujours impressionnant. Il faut se déchausser pour pénétrer dans le hall d’entrée. Ses sujets s’aplatissent devant lui cela m’a rappelé le film de 1930 tourné au Bénin pour le Père Aupiais. Nous nous contenteront d’une profonde génuflexion. Les salutations sont un long dialogue suivi de sons qui se répondent jusqu’à n’être plus audibles.
Comme nous avons demandé de le filmer, il est allé s’apprêter et nous a reçu sur un trône assez sommaire : une structure métallique habillée de cordes de nylon colorés. Lui seul porte des chaussures. Dès notre arrivée, des jeunes, ses pages, sont venus s’asseoir à ses pieds ainsi que deux conseillers et trois de ses femmes.

Dans mes petits souliers
Les échanges se sont faits par l’intermédiaire d’un traducteur. Le roi s’est prêté gracieusement à nos questions et n’a pas rechigné quand nous lui avons demandé de recommencer, la caméra ayant rencontré un petit problème technique. Pieds nus, j’étais pourtant dans ”mes petits souliers”. Je transpirais sans sueur, le temps est si sec qu’elle s’évapore aussitôt.
Il nous a fait visiter sa concession dans laquelle se trouvent les tombes, plus ou moins abandonnées, de ses prédécesseurs. On est roi à vie mais les enfants du roi n’héritent pas du trône. Pour Kpabegou, il y a trois clans qui se succèdent pour accéder au trône. C’est le conseil des sages qui choisit le roi. . Il nous a présenté aussi une jeune fille qu’il a choisit et qu’il épousera. Pour signifier qu’elle lui est réservée, elle porte au poignet des bracelets spécifiques, gare à celui qui la courtise.

Au pays des hommes valeureux
Taneka veut dire hommes valeureux. Ce sont des guerriers qui ont établi un village sur les hauteurs pour se protéger de l’invasion des ennemis montés sur leur chevaux. Ces villages sont presque vides durant l’année, seules les familles royales les habitent. Il faut dire que dans la rocaille, il n’est pas de culture possible. Les familles royales sont les gardiennes des traditions. Le village revit aux alentours de février, les toitures seront réparées et les Taneka se retrouveront pour diverses cérémonies. La circoncision est faite aux jeunes hommes de 18 ans. La cérémonie de la flagellation opposent les jeunes entre eux. À tour de rôle, ils flagellent leur adversaire et ne doivent pas montrer des signes de faiblesse malgré la brutalité des coups reçus. Il y a aussi le sacrifice des bœufs pour montrer sa richesse ou pour prétendre au pouvoir lorsqu’un roi décède.

En moto sur des chemins rocailleux
Un étudiant originaire du pays Taneka, s’est lancé dans la construction d’un musée. Il débute avec beaucoup de difficultés puisque son premier bâtiment s’est totalement écroulé après une tornade. Mais il ne renonce pas. C’est lui qui nous a conduit dans le village de Taneka Beri. Je dis nous car j’ai un accompagnateur précieux en la personne de l’abbé Denis Chacran qui a organisé, pour moi ,tout le programme des visites.
Pour nous rendre au village de Taneka Beri, il faut prendre un chemin tortueux et caillouteux que seule une moto peut gravir. C’est donc juché sur la moto de Denis que, courageusement, je suis parti à la découverte de ce monde des gens valeureux. Ce n’est pas excessivement loin, quatre ou cinq kilomètres mais ce que j’avais fait en taxi moto jusqu’ici ce n’était rien. Mon derrière à décollé plusieurs fois de la selle. Le soir j’étais aussi courbaturé que lorsque j’avais marché cinq jours dans les Cévennes.

Une coiffe et une pipe comme signes royaux
Nous avons terminé notre approche à pied, le roi suprême grand ami de Michel Loiret n’était pas présent, à cause d’une cérémonie. C’est un roi dont le palais se trouve à l’entrée du village qui nous a accueilli, il a été rejoint par trois des quatre rois qui sont sous ses ordres. Ceux-ci ne portent qu’une coiffe, une pipe et un cache sexe (signes de leur rang) qu’il fasse chaud ou bien froid comme en ce moment.
Notre guide nous a servi d’intermédiaire et de traducteur. Les rois se sont pliés gracieusement à la séance d’enregistrement vidéo. Chacun des roitelets a une fonction précise, l’un d’eux est responsable de la production agricole, il est en même temps le faiseur de pluies. Le second est chargé de la fête des jeunes qui entrent dans le monde des adultes. Le troisième est le chef du terroir, il est le responsable de l’intronisation des rois, il réunit les sages pour choisir leur roi. En ce moment, un roi est mort, il y a déjà 10 prétendants qui ont sacrifié chacun un bœuf, certains s’endettent sur des années pour sacrifier une bête.

Les rois ont perdu de leur pouvoir à la révolution
Nous sommes allés voir un autre foyer, d’enfants du primaire, cette fois-ci et pour adoucir ma peine, l’abbé qui gère cette structure m’a ramené en voiture. C’est un séjour très riche, ces rencontres et ces échanges avec les rois. Ils nous montrent une forme de gouvernance qui n’a rien à voir avec les dictatures issues d’élections ”démocratiques”. Il est vrai que depuis la révolution, ils ont perdu beaucoup de leur pouvoir et même de leur ressources, c’est la famille royale qui doit subvenir à ses besoins et non plus les villageois. Naturellement, au terme de la visite, il y a eu échange de cadeaux. N’ayant rien prévu, c’est de l’argent que l’on a donné. Le roi de Kpabegou nous a remis quelques ignames.
Nous sommes vraiment entrés en harmattan, ce matin, le soleil a eu du mal à percer cette épaisse brume de poussière, j’ai mis ma polaire pour la première fois. Tout est très sec et les talons se craquellent, mais la vie est belle. Je m’apprête à partir dans le Nord Est, diocèse de N’Dali.

P. Gérard Sagnol, sma