Marine et Quentin, deux volontaires à Foya, au Liberia

Ces deux derniers mois ont été pour nous l’occasion d’expérimenter la fameuse phase de désillusion de la fameuse courbe du volontaire, des hauts, des bas, etc. Nous avons passé beaucoup de temps au centre de santé, à commencer par un évènement … sanglant … dans notre coloc.

Un soir, alors que tout se passait bien, contents d’être rentrés du centre de santé, après une journée éreintante, nous voyons arriver vers nous une nuée d’enfants affolés, apeurés, criant, les larmes aux yeux : il y a eu un terrible accident à Foya. Ni une ni deux, nous enfourchons le quad et fonçons rejoindre le centre, slalomant entre les motos, avalant mètre après mètre la route, tentant de ne pas nous embourber. La pluie harasse, le tonnerre gronde. Le temps est compté. Arrivés au centre, nous expliquons aussi vite que possible la situation à l’infirmière : un accident, une plaie hémorragique, une femme au bord de l’inconscience. Après avoir tenté tant bien que mal, dans le sang, les cris, et la douleur, avec les moyens du bord, de maintenir en vie la patiente, le diagnostic tombe : deux points de suture seront nécessaire pour sauver le genou de Marie, notre colocataire, qui ne sait pas faire du vélo sans tomber.

Après ce terrible évènement, nous tentons de reprendre une vie normale.

Arrivant sur les périodes de vacances pour le staff, nous nous sommes retrouvés assez vite en effectif réduit. Ainsi, Marine a été seule à gérer la partie médicale, normalement partagée avec le Physician Assistant, tandis que Quentin a assumé le rôle de l’infirmier des secteurs urgences et hospitalisations. Bien que très prenant, cela nous a permis de vivre plus concrètement les journées de l’équipe du centre de santé.

Mais comment s’organise le système de santé au Liberia ?

Vous pouvez oublier le concept de sécurité sociale, ou de mutuelle. Si celle-ci existe, c’est de façon très ponctuelle et locale, et dépend des communautés. On pourra tout de même dire que certains médicaments étant livrés gratuitement par l’Etat aux établissements de santé, certains les donnent sans frais aux patients. En dehors de ce cas particulier, tout se paie, jusqu’à l’heure d’oxygène. Toutes les taches hôtelières, gérées par l’hôpital en France, sont ici à charge de la famille ou du patient (linge de lit, nourriture, …). Tout ceci peut amener parfois à un non recours aux soins et peut conduire à certaines dérives, comme des consultations au black, faites en dehors des centres par des personnes pas toujours qualifiées. Un des objectifs du centre de santé dans lequel nous travaillons est de pratiquer des coûts très bas afin de permettre à tous d’avoir un accès aux soins. Par exemple, les médicaments sont revendus au coût d’achat.

Au Liberia, il y a 3 types d’établissements de santé, que nous vous présentons de façon très synthétique.

  • Les cliniques, qui font de la médecine ambulatoire.
  • Les Health Centers, qui font à la fois de la médecine ambulatoire, des urgences et de l’hospitalisation courte.
  • Les hôpitaux, qui sont des hôpitaux au même sens que l’on entend en France.

Chaque clinique et health center dépend d’un hôpital de référence, auquel il doit adresser les patients qui ne relèvent pas de son niveau de prise en charge. Cet hôpital s’occupe aussi des formations continues et de la mise en oeuvre des projets de santé publique.

Pour le reste, ça ressemble un peu à la France : il y a plein d’instances, et on s’y perd un peu. Bureau du district, bureau du county etc.

Le Foya Health Center est à la base un hôpital qui était géré par MSF. Suite à la reprise par l’Etat Libérien et diverses difficultés liées au contexte, la Société des Mission Africaines (association catholique et partenaire de cette mission) s’est proposée de cogérer cet établissement pendant une période de 10 ans, à l’issue desquelles l’Etat redeviendra l’unique gestionnaire. A cette occasion, le centre a été reconstruit sur un nouveau terrain, avec installation de l’eau courante et de l’électricité à l’énergie solaire.

Il se compose de deux salles de consultations médicales, une salle de consultation pour le planning familial et la consultation anténatale, +/- une salle de consultation de santé mentale. Il y a également un secteur d’obstétrique avec une salle de travail, une salle d’accouchement et une salle post partum. On y trouve aussi une salle d’urgence ainsi que trois chambres d’hospitalisation de chacune trois lits. Le centre possède son propre laboratoire, où l’on peut faire quelques tests sanguins et urinaires (mais cela reste très sommaire), ainsi que son propre dispensaire (où l’on remet les médicaments prescrits aux patients). Le reste des pièces sert aux taches administratives : paiement, administration, réserve.

A son arrivée, le patient est d’abord vu par le register qui prend les premières constantes et oriente le patient vers les urgences ou la consultation. Bien sûr, quand le patient arrive dans un état critique, cette étape est facultative. Ensuite, il passe aux archives pour que son dossier soit ressorti s’il est connu du centre, à l’aide d’un numéro unique qui lui a été remis lors de sa première visite. Il lui faut alors attendre son tour pour sa consultation au cours de laquelle, au besoin, des examens de laboratoire peuvent être demandés. Le diagnostic posé et les traitements prescrits, il se rend au guichet pour payer puis au dispensaire pour retirer ses médicaments préparés selon sa prescription pour éviter les erreurs par manque de compréhension des patients. S’il va aux urgences, la prise en charge ressemble à celle de la France : premiers soins, observation, hospitalisation si nécessaire, et sortie avec médicaments et conseils.

Nous apprenons à travailler avec les moyens du bord : beaucoup de clinique, peu d’examens complémentaires, pas toutes les options médicamenteuses et des diagnostics posés par probabilité. Il est parfois nécessaire d’adresser des patients à l’hôpital par manque de moyens ou médicaments. Certains matériels sont parfois incomplets, trop vieux ou défectueux.

Les médecins sont rares, et nombre d’entre eux viennent de l’étranger. Au Libéria, il existe un poste non connu en France : le Physician Assistant. Il peut faire des consultations et prescrire. Le temps d’étude est moindre qu’un médecin. Dans une idée hiérarchique, il serait entre médecin et infirmier. Du fait du peu de médecins, les P.A se retrouvent souvent seuls à assumer les responsabilités médicales dans les cliniques et les health centers, ou même certains hôpitaux. Les infirmiers ont une tolérance de prescriptions. Cette situation, malgré toute les volontés de bien faire, conduit à des erreurs : double dosage, médicaments inadaptés, posologies inadaptées…

Pour résumer, la règle qui prévaut : art. 22 démerde toi comme tu peux. Notre mission ici est de participer au travail du centre de santé dont un des principaux objectifs est de se développer, en particulier via des formations du staff pour acquérir ou perfectionner certaines compétences, que ce soit dans le soin, la clinique, ou la gestion du stock.

Pour vous récompenser d’avoir lu jusque là, et pour vous souhaiter une bonne année (on pense fort à vous tous !) quelques photos de nos fêtes de fin d’année ici ! Noël a été un moment organisé autours des enfants, avec des activités préparées pour eux, repas compris !

Si vous souhaitez nous soutenir dans notre engagement, plusieurs moyens existent :
– soutenir le volontariat en général, via cette cagnotte. C’est, entre autres, grâce aux cagnottes des précédents volontaires DCC que cet organisme a pu assurer notre formation et nous accompagne aujourd’hui.
soutenir le développement du centre de santé et le travail des Missions Africaines à Foya : via un chèque à l’ordre de Missions Africaines Partages, en annotant au dos « projet santé Foya, Liberia », et à envoyer à l’adresse : Missions Africaines, 150 cours Gambetta, 69007 Lyon
– recevoir de vos nouvelles est aussi un précieux soutien pour nous, n’hésitez pas !
Un immense merci à celles et ceux qui nous soutiennent déjà dans cette mission !

Pour terminer, quelques mots de kissi utiles à une consultation médicale (tout est retranscrit comme on l’entend ou on le prononce) :
Dialone tou won ? Avez-vous de la fièvre ?
Man soulini ? Toussez-vous ?
Dembo : ventre
Bolong : tête
Mindu : nez
Trailer : vacances et prison