Va et vient
Michel Iriquin missionnaire à KolokondéDans mon projet initial, je ne pensais pas sillonner le Bénin ainsi, mais les événements ont fait que je parcours plusieurs fois le même trajet sud/nord. La consécration de la cathédrale de Natitingou m’a entraîné rapidement vers le haut du pays, la venue du pape m’a ramené à Cotonou. Je suis remonté avec Bernardin pour le suivre dans sa tournée, mais à peine arrivé à Parakou, je devais redescendre à Cotonou pour les funérailles de Myriam qui avaient été avancées. Le lendemain, je profitais d’une occasion pour rejoindre Parakou. De là, j’ai pris le car pour Djougou où m’attendait Michel Iriquin, confrère sma en mission à Kolokondé.
Le sens des mots
Je ne sais si les mots ici on le même sens. Nous étions convoqués à 15h pour un départ à 15h30, à 16h le bus n’était toujours pas là. De même, la compagnie s’intitule ”confort line”, j’avais un gros matelas en guise d’air-bag devant moi. Il obstruait l’issue de secours. Pour le choc frontal, j’étais protégé
mais en cas d’incendie… Pas de climatisation, de gros nuages ocres entraient en volutes épaisses par les fenêtres. Une passagère avait eu l’outrecuidance de voyager avec un polo blanc immaculé, la coloration a commencé par les plis, et pour finir, elle s’est retrouvée avec un polo couleur rouille. Plus discrète la même couche recouvrait chacun des voyageurs. À cause du matelas, je n’avais aucune vue frontale, le tangage du car, pour éviter les trous les plus profonds, en devenait plus inquiétant. Un des passagers a d’ailleurs eu le mal de mer et a rendu son repas, cela a rallongé le temps du parcours. Un moment, le car s’est arrêté en pleine brousse, et le chauffeur est descendu et a donné de grand coups sur la tôle. J’ai pris mon téléphone pour avertir Michel du retard, mais aucun réseau de disponible dans cette zone…
Nous avons eu droit à un superbe couché de soleil rougeoyant accompagné de feux de brousse le long de la route, c’était ”d’enfer”.
Djougou de nuit
À l’arrivée de Djougou, le réseau est redevenu disponible mais la ville était plongée dans le noir (panne de courant). Michel m’a téléphoné, un peu inquiet de ce retard. D’autant plus inquiet, que le mercredi précédent, sur la route de Djougou à Kolokondé, il y a eu des coupeurs de route qui ont pillé et même tué un des voyageurs nocturnes. Heureusement, ils n’étaient pas au rendez-vous. Il m’a montré le coupe-gorge où ils attendaient leurs victimes. Mieux vaut éviter de rouler la nuit.
Tournée en brousseMichel, saittrès bien recevoir et je suis devenu son hôte privilégié. La mission est une grande concession bien organisée et très propre. On découvre les qualités d’entrepreneur de celui-ci. Mgr Paul Vieira ne s’est pas trompé en lui confiant certains travaux. Nous avons visité un chantier qu’il suit à Bari pour un dispensaire. Il est bien soutenu par des bienfaiteurs de France, et reçoit des containers en fin de vie qu’il transforme en espace de dépôts pour les matériaux, c’est un vrai jeu de constructions.
Dès le lendemain, lever aux aurores. Quel plaisir de voir le jour poindre avec cette brume poussiéreuse et ces fumées qui s’élèvent sur un décors rougeoyant. L’harmattan s’est installé avec sa fraicheur nocturne, mais aussi sa poussière en suspension. La nuit, même hors des pistes, on peut remarquer les fines particules qui soulignent le faisceau lumineux de la lampe torche. Nous sommes allés célébrer la messe dans deux villages. Les communautés sont vivantes et chantantes, c’est la même foi que dans le sud, mais ce sont des communautés naissantes avec de nombreux catéchumènes.
Il nomme chacun par son nom
Sur la routeNous sommes allés faire la tournée de la paroisse. Le point le plus éloigné est, je crois, à 45 km du Centre, cela ne semble pas étendu, mais, vue l’état des pistes, il faut des heures pour parcourir de faibles distances. La récolte du coton étant suspendue, les camions ne passent plus, les pistes semblent laissées à l’abandon. Pourtant nous avons vu un chantier autour d’un pont.
Michel est connu et salué partout où il passe. Il m’a étonné par sa capacité à retenir les noms. Il nomme chaque personne qu’il salue. Je l’envie moi qui parfois hésite sur les prénoms de ma propre famille !
Hermès, son messager
Michel et PélagieLors de nos visites, les gens offrent des cadeaux pour l’étranger, des arachides, un poulet, un régime de bananes etc. Ces nombreux sourires, à notre arrivée, me touchent profondément. On sent Michel à l’aise avec tout le monde. Pour son travail, il s’appuie sur des piliers solides tels que Salomon, Nicolas, Léon, ”Hermès” (Ernest) qui porte bien son surnom, etc. Je n’ai pas sa capacité pour nommer tous ces chrétiens ou catéchistes qui le secondent dans son travail. Il a plus de difficultés avec son vicaire qui n’a pas la même fougue que lui. Il est vrai que c’est une force de la nature, levé dès 5h du matin. Missionnaire ”à l’ancienne”, c’est aussi un chasseur. Sur le parcours, il a tué une perdrix, une pintade et un oiseau dont je ne connais pas le nom mais qui a fait la joie et le régal de notre accompagnateur.
Un peu d’humour
J’ai utilisé de la bétadine en gel pour nettoyer une plaie et j’ai laissé le tube sur la tablette de mon lavabo. Un matin, pas très réveillé, j’ai pris ce tube et étalé son contenu sur ma brosse à dents, c’est en portant celle-ci à la bouche que je me suis aperçu de la méprise.
Un jour, j’ai voulu prendre un taxi moto, à la place de l’immatriculation était écrit « Jésus protège », j’ai hésité à le prendre, je n’avais pas revêtu mon ”casque du salut”.
P. Gérard Sagnol, sma