Homélie du 11 Novembre 2023 en l’église de Chasselay au village du Tata Sénégalais.

Homélie du 11 Novembre 2023

en l’église de Chasselay au village du Tata Sénégalais.

La liturgie nous fait lire un passage de la lettre de Saint Apôtre aux Romains sur le visage d’une communauté chrétienne qui semble bien fraternelle. On sait peu de choses à propos de ses membres, mais il semble qu’il se trouve parmi eux des gens de toutes couches sociales : des hauts personnages, des esclaves, des jeunes, des ainés… certains ont risqué leur vie pour le Christ, d’autres ont été emprisonnés… chacun s’est investi pour que cette communauté soit fraternelle. Une dizaine de fois le mot « saluez » revient. « Saluez un tel, saluez tel autre ! Saluez-vous les uns les autres par un baiser de paix ».

On rêve nous aussi d’un monde où chacun aurait sa place, où chacun serait respecté et aimé et où l’on trouverait son bonheur à vivre ensemble en frère. Cet idéal serait-il un rêve éphémère pour les poètes et les utopistes ?

Les guerres qui se multiplient sur tous les continents donnent raison à ceux qui ne croient pas à la possibilité d’un monde fraternel. Les intérêts économiques et politiques des nations sont tellement prioritaires qu’ils étouffent l’action des artisans de paix et de fraternité.

L’armistice n’est pas la paix, c’est l’arrêt de la guerre mais ce n’est pas encore la paix. La paix des cœurs est un long chemin dont l’horizon aujourd’hui semble s’éloigner de plus en plus loin.  Georges Clémenceau, Président du Conseil de l’époque, en 1918 déclarait très justement : « Nous avons gagné la guerre et non sans peine, maintenant il va falloir gagner la paix et ce sera encore plus difficile ».

Le Pape François est préoccupé comme nous le sommes par la guerre qui devient une menace constante de nos jours. Nous rencontrons « toujours plus d’obstacle dans le lent cheminement vers la paix qu’il avait initié et qui commençait à porter quelques fruits. »

On a l’impression que plus on se connecte aux uns aux autres instantanément avec les moyens de communication de plus en plus performants, plus on se méfie de l’autre et l’autre devient vite un ennemi que l’on doit combattre.

Le monde fait le choix de la guerre pour se protéger et pour se défendre et se donne bonne conscience pour être dans son droit dans une guerre juste. Une guerre est toujours une guerre même si elle est qualifiée de juste, elle a toujours ses morts et ses blessés comme ceux que nous commémorons aujourd’hui.

Avec le Pape François nous nous indignons devant toute guerre. La guerre, dit-il  « laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse. »

Nous, chrétiens, nous avons à être des pionniers pour la paix et nous devons nous engager sur tous les fronts pour que la paix ne soit pas une chimère

Les historiens de la première guerre mondiale soulignent à raison que le pape Benoit XV qui venait d’être élu pape en 1914 fut un des premiers à demander l’armistice. Certes il n’a pas arrêté cette guerre qu’il qualifia de « boucherie inutile » et de « suicide de de l’Europe » mais il a atténué ses effets en œuvrant à l’amélioration des conditions des prisonniers de guerre. Son action fut considérable. Elle ne s’est pas limitée aux prisonniers de guerre, elle fut aussi très importante auprès des populations civiles durement frappés par ce conflit mondial.

Il y a aussi ces deux filles d’un magistrat lyonnais, Marie-Thérèse et Alice Munet, toutes deux infirmières à Menton qui se consacrent aux blessés de cette guerre atroce, aux soldats africains que l’on nomme les Tirailleurs Sénégalais. Elles apprendront le Bambara, une langue du Mali pour mieux les soigner.

Voilà des gestes de paix à la portée de tous qui font dire que la Paix est possible si nos cœurs sont à l’image du cœur du Christ, lui le Prince de la Paix, maintenant et pour les siècles. Amen.

Michel Cartatéguy, Archevêque Emérite de Niamey.