Homélie pour les jubilés de Montferrier 3 Juin 2016

Au Niger, et dans d’autres pays africains, un jeune ne prend jamais la parole devant un ancien. Les proverbes sont là en permanence pour lui rappeler « qu’un vieux assis voit plus loin qu’un jeune debout ». Si le jeune ose prendre la parole malgré l’interdiction qui lui est faite c’est seulement pour honorer et gratifier le vénérable ancien qui, par sa sagesse et son expérience de vie, est digne d’admiration.

Nous sommes dans l’admiration, chers frères et sœur jubilaires, pas forcément pour ce que vous avez fait à travers votre vie missionnaire en Afrique, mais pour ce que vous êtes aujourd’hui, suite à ce que vous avez été hier, en espérant l’être encore demain.

Vous êtes aujourd’hui comme vous l’avez été et comme vous le serez, des pasteurs à l’image du bon pasteur de l’Évangile de ce jour. Que sœur Evelyna ne se sente pas exclue quand je parle de pasteur car, avec la spécificité de sa vocation religieuse, elle nous rappelle à nous, prêtres, que l’oblation la plus parfaite du pasteur à ses brebis, c’est le don du cœur obéissant, pauvre et chaste.

On se souvient ce que le Pape François disait aux prêtres avec la simplicité de son langage : «  les prêtres doivent être des pasteurs pénétrés de l’odeur de leurs brebis ».

Chers frères prêtres et vous ma soeur jubilaires, vous avez été, vous mes frères au devant pour conduire le troupeau qui vous était confié et toi, ma sœur, au milieu du troupeau pour l’accompagner dans sa marche vers les verts pâturages. Chacun et chacune de vous, vous sentez la brebis quand on échange avec vous. Votre troupeau est encore dans l’enclos de votre cœur et cela est digne d’admiration pour les plus jeunes que nous sommes.

Jusqu’à ce jour vous faites un avec votre troupeau. Le proverbe russe a raison de dire : “50 brebis sans berger ne font pas un troupeau.”

Les agneaux que vous avez vu naître et grandir, les brebis que vous avez aimées, que vous avez éduquées, soignées, que vous avez fait entrer dans la bergerie du royaume en allant parfois les chercher au-delà des limites de la savane, de la forêt ou du désert, parfument de leur senteur agréable cette célébration.

Vous sentez la brebis parce que l’odeur ne s’est jamais évaporée, même avec le temps. L’odeur de la brebis vous a pénétrés si profondément que rien, ni la vieillesse, ni la maladie, ni le grand âge, ni le handicap ne peuvent éliminer cette odeur qui embaume tous ceux qui vous approchent.

Aujourd’hui, comme un encens qui monte vers les cieux, vous présentez en offrande d’action de grâce les merveilles que le Seigneur a accomplies envers son Église à travers votre humble et longue vie missionnaire.

L’Église, aujourd’hui comme hier, a besoin de pasteurs selon le cœur de Dieu. Des pasteurs qui osent s’abaisser pour soulever sur ses épaules la brebis blessée, sans craindre de se salir, ou qui affrontent sans peur les situations inattendues pour aller chercher celle qui s’est égarée.

L’Église, aujourd’hui comme hier, a besoin de personnes consacrées comme toi aussi ma soeur. Le Pape François, au cours de l’année de la vie consacrée, t’a donné comme à toutes les religieuses et religieux, trois mots à faire fructifier à toutes les étapes de la vie : prophétie, proximité et obéissance. Il insistait pour dire de ne pas regarder votre nombre et votre âge, mais de répéter sans cesse le oui initial à l’appel de Jésus.

Dans la première lecture, le prophète Ézéchiel nous a annoncé la décision de Dieu de se faire pasteur de son peuple. “Voici que j’aurai soin moi-même de mon troupeau et je m’en occuperai.” Nous ne devons jamais oublier cette vérité fondamentale.

Avant nous-mêmes, le Pasteur est et reste Dieu. J’en suis sûr, dans votre ministère de prêtre et dans ton service de religieuse, il a été votre force. Par son Esprit, il vous a accompagnés et même précédés sur le chemin de votre mission. Qu’il soit béni pour vous avoir tenu la main en toutes circonstances.

Nous honorons aujourd’hui le Sacré Cœur de Jésus, une solennité qui se fête quelques semaines après la Pentecôte et qui depuis 2002 est devenue, grâce à l’initiative de saint Jean Paul II, une journée de prière pour la sanctification des prêtres.

Dieu nous présente son fils qui nous aime pour qu’il soit le visage de tout pasteur et pour qu’il soit l’exemple de la vie religieuse qui reflète, comme dit encore le Pape François, “la caresse maternelle de l’Église”.

Ce cœur aimant, malgré la blessure de la violence des hommes, est le cœur du berger qui est « tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. »

Chers Pères et sœur jubilaires, recevez toute notre filiale reconnaissance pour votre témoignage de foi à travers ce que vous avez fait dans l’humble service de la mission et plus encore à travers ce que vous êtes aujourd’hui pour nous tous.

Un jubilaire qui fêtait ses nombreuses années de consécration disait qu’il avait écrit avec Dieu son livre de vie qu’il considérait comme une histoire sainte parce les plus belles pages du livre étaient celles où Dieu avaient guidé sa main pour les écrire. J’imagine que c’est le même sentiment qui vous anime en ce moment.

En terminant permettez-moi que je vous donne une parole à méditer. Elle est de Victor Hugo et j’ai l’impression qu’elle vous caractérise bien : “La vieillesse ce n’est pas ajouter des années à la vie c’est ajouter de la vie aux années.” Que cette vie faite de tant d’années de communion avec le bon pasteur qui a fait de vous ses brebis bien aimées continue à vous étreindre de son essentiel maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

Mgr Michel Cartatéguy, sma