Les expulsés de la forêt classée

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Le 31 Octobre, se tenait à Doba une réunion d’information, à la quelle étaient conviés les chefs des villages et campements du pays Bakwé. Ce qui a été annoncé aux planteurs a fait l’effet d’une bombe: les villages et campements situés en dehors des enclaves devaient quitter les lieux avant le 10 Janvier 2014.

À écouter ceux qui ont participé à cette réunion, les propos du Capitaine de la Sodéfor venu spécialement pour donner cette information étaient plus que sérieux. Chaque village ou campement doit se regrouper dans les enclaves de Djapadji, Doba, Dagadji, Gagny, Glibéadji et Taboké.

Dans le cas contraire, l’armée interviendrait
Les 28 villages que je visite avaient déjà reçu les programmes des visites du mois de Novembre. Celui du mois de Décembre était prêt. Je l’ai immédiatement annulé. Du 3 au 29 Novembre, j’ai pu visiter toutes les communautés. Il fallait les informer des risques encourus, si les villageois ne prenaient pas au sérieux les ordres qu’il leur était donnés. D’autres informations nous parvenaient disant que si les gens quittaient calmement les villages, il n’y aurait rien, dans le cas contraire, l’armée interviendrait : 2000 soldats étaient prévus pour cette opération.

Se préparer à accueillir le flux des déplacés
J’ai envoyé plusieurs lettres à tous les villages de la paroisse afin que l’information circule. Ceux qui n’étaient pas concernés, devaient se préparer à accueillir le flux des déplacés, les autres à prendre leur dispositions pour faire partir en premier les femmes et les enfants afin de ne pas les exposer inutilement à d’éventuelles violences.

On comprend le désarroi de ces populations
Beaucoup croient que des négociations sont encore possibles. Les villages les plus menacés ont bien été prévenus qu’il n’y aura pas de négociations. Il est souhaitable qu’au temps de Noël, les femmes et les enfants soient évacués. Beaucoup ont déjà pris des maisons dans les villages de regroupement. On comprend le désarroi de ces populations qui doivent abandonner tout ce qui a été leur vie. On leur dit qu’ils pourront aller pour la journée, dans leurs plantations depuis les villages de regroupement situés souvent à plus de 10 ou 20 kilomètres de là.

Ce manque d’informations est source d’angoisses
Lors des dernières visites, de nombreux responsables de communautés ont demandé qu’on puisse célébrer les baptêmes puisque à Pâques, il est évident qu’ils ne seront plus là et qu’ils seront dispersés aux quatre coins de la Côte d’Ivoire et du Burkina. Cela s’est fait dans 8 villages. Quant’ aux villages de la paroisse situés sur le territoire des Krumans et qui dépendent de la Sodéfor de Grand-Béreby, ils n’ont reçu aucune information précise les concernant. Des bruits circulent: certains disent qu’ils doivent aller à Dogbo. Ce manque d’informations est source d’angoisses et de craintes, surtout chez les mamans.

Les églises sont pleines
Le temps passe. Le soir dans les villages qui ne croient pas au départ, les églises sont pleines. On prie pour que Dieu éloigne le danger. Durant tout ce mois de Novembre, j’ai invité les chrétiens à prier l’Esprit-Saint afin qu’il montre à chacun ce qu’il faut faire et qu’il donne, à tous, le courage de vivre ces moments difficiles.

communaute

Sur 43 villages, il n’en restera que 8 !
Bernard RauchCes dernières semaines, trois communautés ontBernard_Rauch « tôlé » le toit de leur chapelle. Un autre vient de « tôler » le toit de leur nouvelle école. Dans quelque temps, ils devront tout démonter. Il est évident que pour tous, cela est dur à vivre. Sur les 43 villages de la paroisse, à notre connaissance, il n’en restera que 8. Des dizaines de belles communautés en pleine expansion vont disparaître. Puisse cette dispersion des chrétiens des « cacaoyers » avoir le même effet que la dispersion des chrétiens de Jérusalem et de Judée, partis fonder de nouvelles communautés à travers tout le bassin méditerranéen. Que là où ils seront, ils témoignent de leur foi et de l’amour profond qu’ils ont pour Jésus, cet amour qu’ils manifestaient de manière si spontanée dans leurs prières et leurs chants et qui amenaient leurs frères des village à venir prier avec eux.

Bernard Rauch,sma

Pour comprendre la situation, un très bon article dans reliefweb