Missionnaire dans le quotidien d’un malade

Le Père Ernest Moulin, missionnaire sma nous partage quelques rencontres glanées au cours d’une de ses visites à l’hôpital.

Échanges sur nos parcours médicaux
La 1° rencontre se situe dans une salle d’attente de l’hôpital Paul Brousse. Il est 8h du matin environ, et nous attendons qu’on nous appelle. C’est souvent le silence le matin, comme si on n’était pas encore réveillé, mais ce jour là une dame engage la conversation, demandant si les appels des patients ont déjà commencé ; et de s’informer avec deux autres personnes si on a été greffé, comment ça va. Nous voilà à trois échangeant nos joies, nos misères, nos espérances. Les 2 autres personnes ont été opérées quelques années avant moi.
Un peu à l’écart, une jeune dame nous écoute avec attention. Un léger silence lui donne l’occasion de s’exprimer. « Ca me réconforte de vous entendre parler ainsi ; je suis ivoirienne résidant en France, j’ai été greffé voici 4 ans, et je pensais que j’étais la seule à avoir des problèmes. Quand j’entends comment vous vivez ces années après votre opération, je me dis : courage, tu n’es pas la seule, et ça me donne davantage envie de m’en sortir. » Échanger sur nos parcours médicaux, en général tous différents, peut avoir parfois du bon.

Un de ses fils qui se radicalise
La 2° rencontre se situe dans une salle d’attente. Nous ne sommes que deux, attendant de passer une échographie. J’engage la conversation avec cette personne qui me semble originaire du Maghreb.
Un climat de confiance s’est sans doute installé quand elle me dit les difficultés qu’elle a avec un de ses fils qui se radicalise au niveau de l’Islam. J’ai retenu quelques paroles quand son fils lui dit qu’il faut revenir à l’Islam vrai, c’est-à-dire au salafisme, qu’elle doit mettre le voile, être vêtue de noir…
« Mon enfant, la manière dont nous prions Allah, nous l’avons appris de nos parents, de tes grands parents ; eux-mêmes l’ont appris de leurs papas et mamans, tes arrière grands-parents ; est-ce que cette manière était mauvaise et qu’ils ne seront pas bénis d’Allah le Miséricordieux ? Et toi tu viens nous dire que cette manière était mauvaise et que nous ne serons pas dans le paradis d’Allah. » En l’écoutant, je n’imaginais pas les inquiétudes et les difficultés de nombreuses familles musulmanes face à leurs enfants, quand ils sont endoctrinés et qu’ils se radicalisent. Inquiétude justifiée de cette femme, en voyant ce qui vient de nous arriver à Paris, en ce 13 novembre.

J’ai prié pour elle
La 3° rencontre, je l’ai faite à la cafétéria de l’hôpital, avec une jeune femme 22 ans environ. Elle a été greffée tout bébé à l’hôpital du Kremlin Bicêtre, et le moment est venu pour elle de refaire une nouvelle greffe. Nos chemins se sont croisés quand on nous prélevait le sang pour les analyses ; après nous avons pris le petit déjeuner ensemble. Pendant plus d’une heure nous avons échangé sur ce que nous avions vécu, mon travail en Afrique, ses études à l’université et la préparation de son master. Elle est en attente de foie, mais est prioritaire ; donc elle devrait trouver assez vite. Elle reste très inquiète pour son opération. « Qu’est-ce qui vous a soutenu pendant cette préparation à l’opération ? – La prière. – Je ne suis pas croyante. Après la mort, il n’y a plus rien. » L’après-midi, je l’ai croisée. Elle était accompagnée de sa maman venue la soutenir. Notre rencontre l’a-t-elle apaisé dans son angoisse ? Je n’en sais rien mais le reste de la journée, j’ai prié pour elle. Puisse le Seigneur Jésus lui envoyer un petit signe de sa présence. Nous ne mesurons pas toujours la chance que nous avons d’avoir la foi, et d’avoir un correspondant à qui nous pouvons confier nos misères quand nous sommes découragés. Savoir aussi que la Vierge Marie veille sur nous, est-ce que ça ne remplace pas toutes les mamans !


Rencontre avec un musulman
Et je terminerai par cette discussion avec un chauffeur de taxi. Comment en sommes-nous venus à parler de mon séjour au Bénin ? J’ai partagé ce que j’avais vécu : l’annonce de Jésus Christ, mais aussi les réalisations que l’on peut faire avec la population pour l’amener à vivre mieux (culture attelée, creusage de puits, mise en place d’une pharmacie…) Pour parler de l’Afrique, je suis intarissable. Puis j’en suis venu à parler de DJOUGOU, une ville très ancienne et qui fut un relais entre l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire, grâce à la traite arabe. Combien de noirs amenés en esclavage avait péri dans les sables du désert.

Il me demande : « Mais qui fournissait les esclaves ? – Les rois de cette région. » Une occasion d’évoquer le royaume BARIBA dont il n’avait jamais entendu parler. Mais cela semblait le rasséréner. J’allais comprendre pourquoi quand il me dit : « D’origine algérienne, je suis musulman, adepte de la charia (Loi Islamique) que nous a transmis notre grand prophète Muhammad… » (Je reprends le nom qu’il a utilisé) Et de m’expliquer que les plus grands mécréants qui seront envoyés les premiers dans l’Enfer du Satan, ce seront les hypocrites, ces princes d’Arabie Saoudite, du Qatar et des États du golfe. « Ils font semblant d’être de bons musulmans, mais quand ils viennent en Europe, ils font du n’importe quoi. Oui, ce sont eux qui seront les premiers à aller en enfer avec les mécréants, car Allah n’aime pas les hypocrites. » Mais dans ce dialogue, une surprise m’attendait.
« Vous n’avez jamais pensé à devenir musulman ? »Intérieurement j’ai pensé : ‘Il est gonflé de me faire une telle proposition.’ Sachant qu’il était adepte de la Charia (Loi Islamique), je me suis dit : ‘Attention à ne pas créer la polémique’, surtout que nous étions loin de ma destination. Je me contentai de lui répondre : « Après avoir lu le Coran, ça ne m’est jamais venu à l’idée, en voyant que la femme était traitée comme une personne inférieure : elle doit sortir voilée, être souvent accompagnée, elle n’est pas vraiment libre »… Et lui de me répondre : « Mais non, au contraire, la femme vertueuse est honorée dans l’Islam ! » et de me faire un long discours pour mettre en valeur la femme dans la société musulmane. En l’écoutant, je me suis dit : ‘ que le chemin est long pour qu’on arrive à se comprendre. Nos manières de penser sont vraiment à l’opposé.’ Vers la fin de notre rencontre, je lui ai demandé :
« Que serait-il arrivé si j’avais eu une parole malheureuse contre le prophète Muhammad ? – Vous êtes mon client d’aujourd’hui, mais il vaut mieux pour vous, que vous n’ayez pas parlé en mal de notre grand et saint prophète Muhammad… A vous d’interpréter !… » Fin de la conversation. Silence jusqu’à la fin du parcours. Il s’est refermé comme une huître. Qu’a-t-il voulu me dire par ses dernières paroles ? Je n’en saurai pas plus.
Il est difficile, ne voulant pas être trop long, de faire ressortir le contenu de ces 4 rencontres. Et nous voilà déjà entrés dans l’année de la MISÉRICORDE. Avec la Vierge Marie, préparons-nous à accueillir Jésus son Fils, le tout miséricordieux. Qu’IL nous apporte, à nous et à notre monde, la PAIX et nous maintienne dans l’Espérance.

Ernest Moulin, sma