Cailloux - Pâques

L’histoire de Pâques

Depuis la première aube de Pâques, Jésus – Christ nous dit :

“Va dire à mes frères…” Jn 20, 15

 

Pour certains d’entre nous la vie n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Que de soucis et de difficultés pour les uns et les autres : inquiétudes diverses, épreuves de santé, difficultés relationnelles à certaines périodes de sa vie. Dans nos familles aussi que de souffrances cachées parfois ! Dans la société française actuelle, nos contemporains subissent les divorces, la fragilité de l’emploi, les violences, l’insécurité ou le racisme. Nombreux sont les tsunamis sociaux pour les plus déracinés et les mutilés de la vie les plus meurtris ! Les évènements de Carcassonne de ces derniers jours (attentat terroriste qui a fait 5 morts et 16 blessés) en sont une bonne illustration. Beaucoup se demandent alors : comment en sortir ? Quel sens donner à son existence ? L’espérance est-elle encore possible ? Comment vivre debout sans baisser les bras ?

 

A l’époque de Jésus, la vie était difficile pour la population de la Palestine. Le pays était sous occupation étrangère. Bon nombre de contemporains du rabbi Jésus vivaient au jour le jour, souvent dans la précarité, et parfois dans la profonde misère.

A cette même époque, au cours de la vie publique du Nazaréen, une poignée d’hommes et de femmes sont attentifs au message novateur et libérateur d’un certain Jésus de Nazareth. Ils sont frappés par sa personnalité, son comportement, et sa manière toute simple de parler de Dieu avec des mots ordinaires, des mots de tous les jours. Ils saisissent mieux le sens de la Torah, Loi d’Amour lorsqu’elle va jusqu’à son accomplissement “en esprit et en vérité”. Le fils du charpentier est le Saint et génial interprète de la Torah ! La vérité et la beauté du message du “Rabbouni” Jésus touchaient déjà les cœurs les plus accueillants et parfois même les plus sceptiques.

 

Que disait-il donc de si différent des autres prophètes ? Que proclamait-il de si extraordinaire ?

Il parle de Dieu qu’il appelle ” mon Père et votre Père”. Il affirme que le Père des Cieux est discrètement et tendrement passionné par le devenir de chacun de ses enfants, qu’elles que soient leurs origines et leurs cultures. Il proclame par les béatitudes la venue d’un Royaume d’Amour déjà présent en sa personne. Il affirme que Dieu son Père n’impose jamais son amour mais le propose. Il ne condamne pas et ne juge pas. On ne Le rencontre pas dans les nuages ni dans le ciel des utopies mais dans l’accueil de l’autre, dans le geste accompli envers tout homme qui sollicite aide, réconciliation, joie, amitié et confiance en la Vie. Il souhaite que sa prière filiale au Père devienne la nôtre.

 

Bien souvent, son message n’a pas été accepté.

Son aventure s’est d’ailleurs mal terminée. Il est mort sur une croix, crucifié comme un malfaiteur. Le soir du Vendredi saint tout s’écroule. Ses amis sont alors sans espérance. Chacun se trouve au bord du désespoir et de l’absurdité. Les uns et les autres se demandent alors avec perplexité : Pourquoi ce silence apparent de Dieu ? Que fait donc ce Dieu d’amour prêché et manifesté par Jésus

Quelques femmes cependant gardent dans leur cœur le souvenir vivant de Celui qu’elles avaient écouté et suivi. L’évangile de Jean rapporte depuis vingt siècles ce qui s’est passé pour l’une d’entre elles, Marie Madeleine, et pour deux disciples Pierre et Jean. Ces trois-là dont parlent l’évangile du jour de Pâques se rendent à l’endroit où l’on avait enterré Jésus. Ils se rendent à l’évidence : le tombeau est vide.

 

Que doivent-ils conclure de ce tombeau vide ?

Marie Madeleine ne voit que la pierre roulée. Pierre entre au tombeau : il fait le constat de la disparition de Jésus. Il n’est plus là ! Jean constate à son tour que les bandelettes qui ont enveloppé le corps sont pliées sur le côté. Lui, “le disciple que Jésus aimait”, comprend avec les yeux du cœur ce qui est inexprimable : ” Il vit et il crut “.

Par la suite chacun fera l’expérience de la Présence du Christ ressuscité à ses côtés, et dans sa vie. Cette présence transformera à jamais toute la suite de leur existence : chacun en témoignera.

 

Leurs témoignages sont-ils parlants pour nous aujourd’hui ?

Personne n’a vu Jésus sortir du tombeau et il n’y a pas de preuves irréfutables de sa résurrection. Il n’y a que des témoins qui progressivement sont entrés à leur tour dans un chemin de résurrection. Les témoignages de ces premiers disciples, qui ont formé les toutes premières communautés chrétiennes, se sont transmis de bouche à oreille. Ces témoignages sont assez forts pour que d’autres, à leur tour, expérimentent la vérité du message évangélique et construisent leur vie avec le Christ.

 

Ces témoins étaient-ils crédibles ?

Une chose est certaine : il n’y a pas eu de supercherie de leur part car leur découragement était trop profond. La désespérance avait envahi leur cœur : pour eux, le soir du Vendredi saint, tout était fini et bien fini. Aucun n’avait pris au sérieux l’annonce de la résurrection faite de manière voilée par Jésus lui-même au cours de sa vie publique.

 

Et voilà qu’à partir du premier jour de la semaine, celui que nous appelons maintenant jour de Pâques, un changement radical s’opère dans la vie des amis de Jésus, des disciples et des apôtres. Un changement d’attitude et de comportement se constate pour ceux qui les connaissent bien. Eux-mêmes avouent qu’ils ont rencontré le Christ vivant après avoir douté. Ils ne l’ont pas reconnu immédiatement. Un étonnant dynamisme les fait passer d’un profond doute à l’aventure d’une foi risquée en Lui. Une surprenante et inexplicable espérance est devenue la leur. Un engagement peu ordinaire les pousse alors à proclamer ce qui est arrivé à ce Jésus de Nazareth mort sur une croix.

 

Pour entrer en chemin de résurrection, et d’espérance les apôtres sont passés de la peur à la conviction du témoignage, de la désespérance au goût de vivre qui se communique, et de la solitude à la communion.

 

En ce début du XXI ° siècle, pour nous qui sommes là aujourd’hui avec nos soucis et interrogations, comme avec nos joies et bonheurs quotidiens, nous sommes invités à entrer à notre tour dans le dynamisme de la Présence Vivante du Christ.

A chacun de nous est proposé d’entrer en chemin de résurrection, de vivre soi même un chemin de résurrection et de proposer à d’autres un chemin de résurrection.

 

         Entrer soi-même en chemin de résurrection, c’est vivre et agir dans l’Espérance où se nourrissent les racines les plus profondes de la fraternelle confiance au ” Premier Né d’entre les morts.” Vivre et agir dans la confiance en Dieu, Celui que Jésus appelle Père, n’est pas une consolation à bon marché, une illusion. Ce Père est essentiellement, nous dit l’Evangile, Celui qui est proche de chacun, proposant son amour et offrant le réconfort de sa présence ténue mais réelle. Se laisser aimer par Dieu est le premier pas à faire sur le chemin de la résurrection. Avec humilité et en vérité, acceptons de nous laisser accueillir tel que nous sommes avec nos fragilités et nos richesses de cœur.

 

         Vivre avec d’autres un chemin de résurrection, c’est continuer autour de nous l’action du Christ telle qu’elle nous est présentée dans les Evangiles : l’accueil des autres, spécialement les étrangers et les migrants, la réconciliation, l’aide à apporter à ceux qui n’ont plus confiance en eux-mêmes. Tout disciple du Seigneur peut offrir aux autres les fruits de la résurrection tels que l’accueil et le respect des différences, la vérité et la solidarité, l’inlassable recherche du bien commun et l’approfondissement de la pertinence et du sens de la Parole de Dieu. Les manières de vivre un chemin de résurrection ne s’épuisent jamais. C’est également, quand deux ou trois sont réunis en son nom, pour faire mémoire de Celui qui a éprouvé dans sa chair les souffrances de la Passion. C’est enfin vivre avec Lui l’offrande de sa vie au Père pour le bonheur de tous.

 

         Proposer avec la communauté chrétienne un chemin de résurrection, c’est apporter ensemble à nos contemporains, espérance et réconfort concrets à ceux qui vivent des situations inextricables. L’Inconnu d’Emmaüs nous accompagne sur les routes de la vie. Il a besoin de nous. Nous pouvons, comme les premiers témoins de la résurrection, témoigner de Lui par une profonde vie de Foi audacieuse, une espérance invincible qui se communique aux autres et une réelle et efficace attention aux blessés de la vie que l’on rencontre quotidiennement. Entrons dans cette longue caravane de celles et de ceux qui, dans tous les continents, tout au long de ces vingt siècles de christianisme, se sont laissés touchés et transformés par la résurrection du Christ.

Denis Masselis, sma.