Cérémonie pour Charles Chevalier

Ce jeudi 4 août 2022, nous avons accompagné notre frère Charles Chevalier dans son retour vers le Père. La cérémonie s’est tenue en l’église Saint-Vincent de Paul à Rezé. Les missions Africaines, l’amicale des Naudières, ses compagnons de route : les prêtres ouvriers, la communauté Africaine, les religieuses de diverses congrégations et ses amis ont entouré sa famille pour lui dire “À Dieu”.


Ci-dessous l’homélie prononcée par Joseph Hardy, sma :

« Il a fini de souffrir ! » Entre proches et amis de Charles, nous qui avons été témoins de sa lutte désespérée contre la maladie qui lui mangeait la vie inexorablement, ce sont les mots de compassion et de soulagement que nous nous sommes échangés à l’annonce de son décès. Ni la science médicale qu’il a voulu servir en acceptant des protocoles douloureux, ni son courage personnel, souvent interrogatif, ni les efforts affectueux des siens – sans offenser sa modestie on peut dire un merci tout spécial à SANDRINE qui a su gérer avec délicatesse et efficacité la dernière maladie de Charles – non plus le soutien attentif de ses confrères et de ses nombreux amis n’ont pu désarmer le mal. Merci aux Petites Sœurs des Pauvres de l’avoir accueilli pour ses derniers mois de vie. On le sait bien la vie est fragile, la vie est un passage, la vie va toujours vers sa fin comme le fleuve vers l’océan. Il n’empêche ! quand la mort nous touche de près c’est une rude épreuve, c’est une rupture douloureuse, qui pose les mêmes questions à ceux qui croient au ciel et à ceux qui n’y croient pas.   

Il nous reste le trésor de la vie de Charles comme un héritage. Charles c’était un vrai « tempérament », direct, engagé, épris de liberté, de justice et de vérité, qui n’excluait de temps en temps, ni l’humour ni l’humeur.  Je peux témoigner des très belles années passées avec lui à la Rue Crépeau, avec Jo Moulian, puis Guy Ollivaud. Son affection sans paternalisme pour ses neveux et leurs familles qui, pour sa très grande joie, s’agrandissaient sous ses yeux jusqu’à la naissance du petit Martin qui porte aussi le nom de Charles.  Son grand chagrin lors du décès inattendu de l’aîné, Philippe, comme s’il perdait son fils prodigue. Les soins attentifs à son potager, éleveur émérite de tomates , et la maintenance de la maison. Sa fidélité aux amis dont certains faisaient partie de sa famille élargie : l’équipe des vacances d’été, Jean Limousin, les Sœurs Marie-René et Denise, la famille Joubert de Geneston, comme des temps et des lieux de repos et de reconstruction. Son compagnonnage avec Joseph Michaud et sa fidélité au groupe nantais des « prêtres ouvriers ». Sa passion, comme une vraie culture, pour les milieux populaires.  Ses relations avec les membres de la communauté africaine dont nous assurions l’aumônerie. Une vraie passion pour la Parole de Dieu qu’il partageait avec les Soeurs de Bethléem. Son attachement sans fioritures à la SMA, dont il appréciait l’ouverture et la souplesse lui permettant des engagements missionnaires diversifiés, des services paroissiaux à St Dominique et St François d’Assise à l’accompagnement d’équipes ACO, plus tard à la DCC et l’aumônerie diocésaine du CCFD. De tout cela je peux témoigner. Sous des dehors plutôt réservés, il aimait la fête et les bonnes blagues, il aimait recevoir sa famille et les amis où son expertise de cordon bleu s’exerçait autour d’un pot-au-feu ou d’un barbecue, comme il continuera de le faire dans sa maison de la rue du Moulin.

Au cours des partages en communauté, il lui arrivait de dévoiler son rêve d’une Eglise selon le modèle Vatican II qui a marqué notre génération : une Eglise engagée au service de la justice pour les plus démunis, une Eglise qui agit dans la société à la manière d’un ferment, libérée de ses prétentions à juger d’en-haut, hors de la mêlée, débarrassée de ses mondanités et de certaines compromissions. Ce qu’on appelle le « cléricalisme » et toutes ses manifestations le révulsait. Epris d’histoire et de technique, pratiquant assidu du sudoku, il était abonné à la fois à Sciences et Vie et à Golias. Il préférait la critique des idées à celle des personnes.

Pour les funérailles de notre confrère Guy Olivaud, commentant l’évangile que nous venons d’entendre, Charles avait opté pour la traduction alternative de Chouraqui, où le mot « bienheureux » est remplacé par le mot « en avant ! » « En avant les pauvres de cœur, parce que vous savez vous oublier pour faire beaucoup de place aux autres dans votre vie. En avant les cœurs purs, parce que vous savez voir Dieu dans ce qu’il y a de beau et de bien dans le monde. En avant les doux et les artisans de paix, parce vous savez pardonner et réconcilier, parce que vous êtes des semeurs d’unité, de bonheur et de sérénité autour de vous. En avant vous qui avez faim et soif de justice parce que vous êtes attentifs aux gens dits ordinaires et prêts à ouvrir votre cœur à toutes les détresses. En avant vous qui savez faire miséricorde parce que vous savez donner et recevoir au centuple pardon pour pardon. En avant vous qui pleurez, parce qu’en acceptant les difficultés et les oppositions, vous gardez la force de rester debout dans la certitude d’un monde nouveau, parce que vous savez garder au fond de vous-mêmes la force d’une joie qui se communique comme le feu et la lumière venus d’en-haut. »

Merci Charles de nous redire, à travers ta vie, vécue comme un service jamais comme un pouvoir, que l’amour, ce que tu as voulu, ce que tu as fait pour les autres, est la vraie mesure de la vie éternelle. Avec toi nous écoutons l’Apôtre Jean : « Mes enfants, nous devons donner notre vie pour les frères. Nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité… et alors devant Dieu nous aurons le cœur en paix. » Parce que c’est là que prend corps l’unique commandement : « Aimer Dieu et ses frères ». Une petite fille au caté a résumé la Loi et les Prophètes. Elle a dit : « Dieu, c’est quand on est bon ! » Elle a tout compris !

Ce qui rend heureux le disciple de l’Evangile, Charles l’a vécu à travers des engagements qu’il n‘a jamais vraiment choisis, comme un service des frères. Etudiant en théologie, je l’ai connu, sérieux et réservé, courageux et sportif, déjè très branché sur les questions dites sociales, parfois un brin critique comme il se doit quand on est jeune. De son expérience en Algérie, dans les services de renseignement souvent violents, il a su tirer une habitude de ne pas juger au premier degré. Dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, il confessait, avec un brin d’humour, avoir pris plaisir à enseigner le latin, mais surtout missionnaire de base, dans l’apprentissage de la langue yacouba et la formation des catéchistes, en collaboration avec Paul Aubry et déjà Jo Moulian. Accueillant les initiatives de la SMA pour tenter de faire de nouvelles expériences d’insertion en milieu du travail, il a beaucoup apprécié de découvrir le métier de libraire aux éditions St Paul à Lyon et il en a gardé le goût des livres, de la lecture et de l’analyse des textes.  C’est là que le Seigneur lui a envoyé un signe radical et une autre manière de réaliser le « suis-moi ! » de l’Evangile pour se mettre, avec sa sœur religieuse Marguerite et de plus loin sa sœur Madeleine, au service des neveux dans la détresse. C’est eux qui gardent dans leurs cœurs ce qu’a été leur vie familiale à Besné, leur apprivoisement mutuel avec le tonton Charles, devenu facteur pour assurer le revenu quotidien, ses initiatives pour faire bouillir la marmite, ses qualités de pédagogue, son engagement syndical, sa rigueur de vie. Ses petits-neveux nous l’ont rappelé au début de cette célébration.

Cette histoire est la sienne. Mais, je vous l’ai dit, c’est aussi un trésor qu’il nous appartient de nous transmettre, comme une bonne nouvelle, de générations en générations, vous sa famille, nous ses frères SMA et ses amis, comme un précieux héritage. Charles a choisi de rejoindre la sépulture de ses parents, à Orvault, son pays natal. Un dernier signe de son attachement à ses racines familiales. Mission accomplie, Charles s’en est allé, les yeux ouverts, à la manière des disciples d’Emmaüs, faire la rencontre du Jésus des Ecritures qui a marché à ses côtés et lui a réchauffé le cœur sur la route des évènements heureux et des moments d’épreuves de sa vie. Nous l’accompagnons avec affection et dans la prière.