Le texte de l’Evangile de St Jean que nous venons de lire est le texte que la liturgie nous présente aujourd’hui. C’est la suite du texte du Dimanche de Pâques où, Pierre et Jean sont allés au tombeau dans l’affolement parce Marie Magdala leur avaient dit qu’on avait enlevé le Seigneur.
Jean a tout de suite compris. « Il vit et il crut ». Jean a vu de loin ce que Pierre n’a pas vu de près. Pourquoi ? C’est le grand mystère de la relation que chacun de nous a avec le Seigneur. Devant la même réalité comment se fait-il que les uns adhèrent et les autres pas !
Marie de Magdala, malgré le réconfort des deux disciples qui sont repartis chez eux, restent là près du tombeau et elle pleure. Elle a toujours en elle le même sentiment « qu’on a enlevé le Seigneur » et cela la rend triste. Elle voit deux anges vêtus de blanc qui lui parlent, puis elle lui semble voir le jardinier qui lui pose la même question que celle des anges. Elle est dans son monde à elle et aucun signe ne peut venir l’en délivrer jusqu’au moment où le jardinier qu’elle croyait voir lui dit : « Marie » et elle se retourna pour lui répondre « Rabbouni » ce qui signifie « Maître ». Il y a là une sorte d’ouverture, d’éclatement, de libération pour sortir de son monde enfermé qu’elle avait fabriqué à partir de sa tristesse.
Cet appel personnalisé transporte Marie dans le domaine de la foi du Ressuscité. Et à partir de là elle sera habitée par le désir d’annoncer et de proclamer son expérience personnelle en disant tout simplement ce qui vient de lui arriver « J’ai vu le Seigneur et voilà ce qu’il m’a dit ».
Dans cette expérience de Marie de Magdala, j’y ai vu un peu celle de notre frère Paul. C’est en classe de première, il a 19 ans qu’il décide qu’il irait annoncer la Bonne Nouvelle du Ressuscité aux « Noirs d’Afrique ». Jusque là, il était, dit-il lui-même, « en silence depuis 6 ans au petit séminaire de Tours sur les conseils de son curé » apparemment pas très déterminé. De ce séminaire, les Pères Gilles Babinet et Jacques Aujay étaient partis aux Missions-Africaines lorsque Paul était en quatrième.
C’est au cours d’une retraite à Belle-fontaine que tout se décide brusquement. Comme Marie de Magdala, Paul a du entendre dans son fort intérieur l’appel qui le bouleverse. Cet appel ressemble à l’éclatement d’un désir qui était enfermé en lui et qui se fait voir au grand jour avec force.
On sent que Paul a eu l’appel que Marie de Magdala avait eu au bord du tombeau. Personne ne peut reconnaître Jésus ressuscité s’il n’est d’abord reconnu et appelé par Lui. L’expérience de la rencontre intime qu’il a avec le Ressuscité le pousse à écrire avec une très belle écriture, une lettre aux Missions-Africaines qu’il ne connait que par la lecture d’un numéro de l’Echo sur un ton vigoureux et audacieux pour l’époque me semble-t-il : « Je ne compte pas passer mon baccalauréat, en ce cas, mon admission est-elle possible chez vous ? . Quel serait la maison qui me recevrait si je devais entrer l’année prochaine en philosophie et peut-être aussi serait-il intéressant d’en connaître la date de rentrée ? ». La salutation finale n’est ni d’usage ni protocolaire, elle est sans concession : « étant assuré qu’un tel sujet, qui vous tient à cœur, puisque c’est pour le service du Seigneur, ne restera pas sans réponse. »
C’est ainsi, avec cette détermination, qu’il entrera dans notre famille sma appréciant le soutien de ses frères et ses grands frères pour parfaire sa vocation missionnaire et exercer son désir d’annonce et de proclamation en Afrique avec les talents qui lui étaient propres.
Il aura la joie d’être missionnaire en Côte d’Ivoire pendant 36 ans dans différents diocèses au service des Evêques Ivoiriens à qui il manifestait en toute circonstance une grande communion même lorsque ceux-ci le mettaient dans des situations compliqués.
Les confrères qui l’ont fréquenté sont unanimes pour souligner son amabilité à la fois franche, simple et fraternelle que ce soit en terre ivoirienne ou en France lorsqu’il était chargé à Paris et au 150 de l’accueil de ceux qui étaient de passage dans ces communautés. Déjà dans sa jeunesse, ces éducateurs avaient décelé dans ses rapports avec les autres, un savoir faire pour se lier d’amitié. A l’époque ils écrivaient dans leurs rapports avec les mots de leurs temps que Paul avait de « l’entregent ».
Encore ces derniers temps alors que son esprit était ailleurs, son sourire de toujours renvoyait à ce qu’il était lorsqu’il s’activait à remplir la mission dont il avait la charge. Il aimait être avec les autres, vivre avec les autres, prier avec les autres, travailler avec les autres, faire communauté avec les autres même si parfois la cohabitation n’était pas toujours facile à cause de son tempérament travaillé par la minutie, l’ordre et la perfection.
Ce tempérament perfectionniste s’exprimera grandement lorsqu’il consacrera son temps à la philatélie à la maison mère à Lyon..
Pendant longtemps il a réclamé vouloir être en communauté pour que la mission soit portée en cordée avec ceux qui portaient le même projet missionnaire. Ses responsables ne répondront pas toujours à son attente car ses frères avaient aussi des caractères qui ne lui ressemblaient pas et ils craignaient des éclairs annonciateurs d’orage.
Il lui semblait pourtant avec raison que le témoignage de la Bonne Nouvelle vécue d’abord au quotidien dans l’esprit des premiers Apôtres qui mettaient tout en commun avait plus de chance d’être entendu et reçu car l’exemple est toujours plus porteur que le discours.
Il est heureux que le Seigneur ait appelé Paul à lui définitivement pendant la semaine sainte comme pour l’entrainer dans sa mort et sa résurrection au rythme qui a été le sien toujours dans la fidélité au Père et à sa mission.
Paul a pris connaissance et conscience que l’expérience de la rencontre du Ressuscité l’a fait entrer dans le domaine de la foi. Il a travaillé ardemment et patiemment pour que d’autres entrent dans cette foi du Ressuscité et nous l’en remercions fraternellement.
Que le Ressuscité de Pâques le fasse entrer dans sa propre résurrection et qu’il lui accorde la récompense et la gloire de ceux qui se sont dépensés à l’annonce de l’Evangile. Amen.
Montferrier le 3 avril 2018
Michel Cartatéguy
Conseiller Provincial.