“Repenser la vie religieuse “​

"Repenser la vie religieuse "

Assemblée générale des religieux de France

J’étais à Lourdes la semaine dernière pour l’assemblée générale des religieux de France. Nous étions environ 300, rassemblés durant presque une semaine. Nous avons réfléchi à comment transformer la vie religieuse pour l’adapter au contexte actuel sans la trahir. Des intervenants nous ont apporté leur expérience, témoignage ou réflexion et nous avons partagé nos différentes réalités.

Le premier aspect qui saute aux yeux est l’affirmation de l’utilité de la vie religieuse !  Elle a « encore » quelque chose à dire et peut-être plus par les temps qui courent : nous vivons dans des sociétés où l’individualisme règne en maître ; dans des cultures de l’instant et de la recherche d’un peu de bonheur et de jouissance éphémère. La vie religieuse, c’est une vie donnée pour les autres, avec « tout son cœur, toute sa vie » et en fraternité avec d’autres. Est-ce que ce n’est pas un antidote pour nos civilisations angoissées et apeurées ?  Est-ce que ces hommes et femmes ne sont  pas la levure dans la pâte dont parle Jésus ?

Cette vie religieuse s’appuie sur une tradition de nombreux siècles et même millénaires pour certaines congrégations : une histoire pleine de richesses, faite d’équilibres élaborés au cours des siècles entre vie personnelle et communautaire, regard tout à tour terre à terre puis tourné vers l’au-delà ; désir de sainteté et offrande de sa pauvreté ; service des autres et prière gratuite ou les deux à la fois ; adaptation à la réalité nouvelle mais ancrage dans la tradition de l ‘Eglise.

Aujourd’hui, nous avons conscience d’être à un tournant : dans le monde et l’humanité, dans l’Eglise et la vie spirituelle. Tout cela nous invite à repenser cette vie religieuse pour l’adapter à l’époque actuelle « sans ne la trahir » ni » se défaire de toute la richesse de sa tradition.

Concrètement, certaines congrégations se préparent à « vivre l’accomplissement », tout indique qu’elles n’ont plus de force pour continuer leur mission et vont mourir bientôt ; d’autres ont essaimé à l’étranger et se retrouvent  riches de ces forces neuves… Leur problème est plutôt de comment gérer ces instituts pour les garder dans l’unité et fidèles à leur mission initiale. A cela s’ajoute des situations très compliquées dans certains pays où les sœurs ou frères veulent rester aux côtés d’un peuple qui souffre et est malmené mais risquent d’être pris en otage voire assassinés…

En regardant l’avenir, nous voyons qu’il y a encore une immense tâche à réaliser, d’abord pour être témoins de ce Dieu d’amour qui nous envoie, ensuite pour nous rapprocher des blessures de l’humanité afin d’être cette présence qui remet du lien quand tout est rompu, panse les plaies et les blessures tant des personnes que des peuples et invite chacun à s’engager pour construire un monde plus fraternel, anticipation du grand rassemblement qui nous attend avec le père. Nous croyons que dire que nous sommes frères est une chose mais si nous reconnaissons la paternité de notre Père du Ciel, source de l’Amour, cette fraternité prend un sens plus profond et tourné vers l’avenir, elle aussi filiation.

Et nous Sma, comment nous situons-nous dans ce concert ? 

Le Pape François invite les chrétiens à « lancer des processus ». Nous y sommes : nous continuons notre travail missionnaire en Afrique mais, ici, nous essayons d’apporter quelque chose pour améliorer la vie entre les cultures et leur apporter la lumière de l’Evangile : nous avons lancé plusieurs initiatives sans savoir, encore, quels fruits elles vont donner…. Ici, en France, sommes engagés dans des paroisses multiculturelles, au côtés des migrants perdus dans nos villes qui attendent un geste fraternel, un peu d’humanité et d’espérance. Nous essayons aussi d’apporter notre expérience de mission en Afrique en France. Les confrères africains qui viennent travailler en France le font avec un esprit de grande gratitude, pour remercier ce don extraordinaire qui est celui de la foi reçu et accueilli… A nous de la transmettre maintenant.

Le défi de cette assemblée est de rassembler un monde très divers par son travail et ses origines afin d’en tirer le maximum de richesses pour le bien de tous…

Père François De Penhoat, supérieur Lyon (sma)